Réponse à Philippe Corcuff

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Note du 31 juillet 2021 :

Serge Halimi, « Dictature numérique », éditorial du Monde diplomatique d'août 2021 : « Interdire à des millions de personnes de prendre le train, de commander un plat en terrasse, de voir un film en salles sans avoir prouvé qu’elles n’étaient pas infectées en fournissant le cas échéant, dix fois par jour, une pièce d’identité que le commerçant devra parfois vérifier lui-même nous fait entrer dans un autre monde. Il existe déjà. En Chine, précisément. Les agents de police y disposent de lunettes de réalité augmentée qui, reliées à des caméras thermiques placées sur leurs casques, permettent de repérer une personne fiévreuse dans une foule. Est-ce cela que nous voulons à notre tour ? »

C'est en tous cas ce que veut Philippe Corcuff qui se précipite pour en être le premier « expert » agent de police de la pensée pour la dictature sanitaire promue par les grands médias (ici Libération de Patrick Drahi).

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Note du 24 juin 2021 : « Ces derniers temps, il était de bon ton de décrire une France en colère tentée massivement par Marine Le Pen. Et ce n’est pas le cas ? Non »... Voici le constat au lendemain du premier tour des élections Régionales du chroniqueur politique de Radio propagande d’État, Thomas Legrand, soit l'incarnation « chimiquement pure » de l’agent de police de la pensée. D’autant plus que la « normalisation » opérée par Marine Le Pen intègre son parti dans la globalisation libérale : de l'ancien F(ront) N au R(assemblement) N, ce parti a renoncé à la souverainté nationale pour se soumettre à l’Euro ou sur le plan des mœurs s’est soumis pareillement au « Mariage pour tous ». Qu’en penser face aux analyses d’un Philippe Corcuff pourtant adulé dans ce lieu de pouvoir qu'est Radio France ? D’abord que le titre de « Science-Po » où il est « maître de conférences » est vraiment l'éternelle expression d’une contradiction essentielle : la politique est par essence ce qui doit échapper à la science. Absorbé par ses « méthodes du travail universitaire, des sciences sociales, de la philosophie, de ce patient travail intellectuel artisanal et qui est en rupture disons avec cette forme relâchée d’essayisme qui domine de plus en plus ce qu’on appelle le débat idéologique » (voir note du 4 mai), notre « politologue » finit par être dupe de sa subjectivité : « L'ignorance, et parfois le mépris, de l'analyse objective de soi et des hommes peut faire du spécialiste absorbé dans sa tâche objective la dupe de sa subjectivité. Il finit alors, pour tout ce qui n'est pas son travail scientifique, par prendre naïvement pour objectivité les entraînements de son caractère ou de son milieu ; et sa science elle-même peut être contaminée par cette inconscience. » soulignait Bernard Charbonneau (Le Système et le chaos, 1973). « Fere libenter homines id quod volunt credunt » (Généralement, les hommes croient ce qu'ils veulent croire.) (Jules César, La guerre des Gaules). On en finit donc par se demander si Philippe Corcuff ne souhaite pas le phénomène qu’il décrit : une montée aux extrêmes de la « droite pure » face à sa « gauche pure ». Cette configuration est un fantasme inconscient logique dans le cadre d'un transfert du Bien à la Gauche et du Mal à la Droite.

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Note du 30 mai 2021 : Philippe Corcuff vient d’être gratifié par une excellente recension de son livre par Le Monde. Il doit exulter... Notre adhérent à la Fédération anarchiste devrait pourtant s’interroger sur cette connivence avec ce titre qui, bien naturellement, sert les intérêts de ses propriétaires : les affairistes MM. Niel, Pigasse et Krétinsky. « Mon livre travaille les impensés de mes propres engagements » affirme Corcuff au mensuel communiste Regards. On ne peut que l’encourager à poursuivre dans cette excellente voie sur laquelle il semble néanmoins avoir encore un très long chemin à faire. Un adhérent à la Fédération anarchiste nous écrivait sur son cas à l'occasion de ses dernières péripéties : « Vous devriez remercier la Fédération anarchiste dont je suis un militant depuis 50 ans d’héberger ce SDF politique, qui aura fait toutes les crémeries politiques (en expliquant à chaque fois qu’il avait eu raison d’avoir tort). Ça vous évite de vous le cogner. Et puis, une société ou un mouvement d’idées se jaugeant et se jugeant à la manière dont elle juge ses “déviants”, notre refus de la prison ou de l’HP nous conduit à laisser une certaine liberté à nos fous. Mais je vous l’accorde, la guérison est longue. »
« Peu suspect de connivence avec le macronisme… » jure l’agent de MM. Niel, Pigasse et Krétinsky chargé de récompenser Philippe Corcuff. On sourit. Philippe Corcuff explique déjà que la frontière entre le Bien et Mal se situe entre ceux qui accepteront de voter Emmanuel Macron au second tour de la Présidentielle contre Marine Le Pen. Son utilité finale est bien là : résoudre l’électorat d’extrême gauche à mettre son bulletin dans l’urne pour repartir pour un nouveau mandat de 5 ans. En tous cas lui affirme déjà un an auparavant qu'il le fera « sans hésiter ».
« Descente de police à la décroissance » était le titre d’un article de La Décroissance consacré au dernier coup de tordu de ce titre contre notre journal (numéro 156 de février 2019). Ce n’était pas le premier. « Au milieu d’une concurrence pourtant féroce, le titre de MM. Niel, Pigasse et Krétinsky est en effet ce qui se fait de pire comme police de la pensée. Comme l’ont décrit voici deux décennies les journalistes Pierre Péan et Daniel Cohen, cela fait longtemps que le “quotidien de référence” vit sur son passé prestigieux tout en étant devenu une machine à “surveiller, interdire, pu­nir”. » écrivions-nous dans notre numéro 177 de mars 2021. À l'inverse, on observe bien ici encore une fois la convergence entre la « nouvelle extrême gauche » représentée par Philippe Corcuff et le big business. Observation qu'il renverra selon sa réthorique invariable immédiatement au « confusionnisme » & associés.

Philippe Corcuff voit dans le phénomène du « woke » « des choses extrêmement marginales et minoritaires » (chaîne RT, 7 avril 2021). Il faut être aussi aveugle à son époque et barricadé sa tour d’ivoire que ce maître de conférence – et désormais intervenant régulier à cette chaine poutinienne – pour être autant aveugle à son époque. Souhaitons-lui donc de progresser sur la compréhension des « impensés de ses propres engagements » pour l’aider à analyser comment la vanité peut rendre aveugle, et plus encore totalement hostile, à l’analyse de la structuration économique des grands médias, et de ses conséquences sur la construction d’alliances, a priori contradictoires mais finalement logiques, entre une certaine extrême gauche et des milliardaires.

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Note du 4 mai 2021 : Au-delà de sa personne, le cas représentatif de Philippe Corcuff me donne à penser. Je lis à propos de sa liste : « Le parallèle avec l'Index des “livres pernicieux” de l'Eglise catholique est tellement évident que ça m'étonne que Corcuff assume à ce point le caractère inquisitorial de sa démarche. Encore un exemple qui montre que le wokisme adopte les schémas mentaux d'une religion. »
Cette religion, quelle est-elle ? Kevin Boucaud-Victoire observe qu’« au fur et à mesure du livre, on se rend compte que toute personne qui n’adhère pas au catéchisme pur de la gauche, à savoir un antilibéralisme économique couplé à un libéralisme culturel – une “double pensée” dont Orwell et Michéa ont pourtant montré le caractère contradictoire –, participe à "l’extrême droitisation" de la société, telle qu’elle est perçue par l’auteur. » Nous sommes-là au cœur d'une religiosité doublement plus agissante qu’elle est inconsciente. Comment fonctionne-t-elle ? À l’invitation de discerner entre le bien et le mal, le vrai et le faux, le beau et le laid, le croyant de Gauche, mais aussi celui de Droite, ont substitué le clivage gauche/droite. Il relève pour eux de la métaphysique. La Gauche est ainsi pour Philippe Corcuff & associés à une transcendance. Ici la « vraie » Gauche « c’est sacré » et toute critique est ressentie comme une offense par ses dévots. La récurrence du mot « gauche » dans sa bouche est révélatrice, comme d’ailleurs celui d’« émancipation » qui a la fâcheuse tendance à être ici l’expression du désir l’affranchissement de toute notion de collectivité. Jacques Ellul avait écrit un texte lumineux sur ce sujet « Qui dit : "ni droite ni gauche" est de droite » dans son Exégèse des nouveaux lieux communs (1966). Je vous livre un extrait d'une réflexion essentielle à lire intégralement : « Il est révélateur de ce que cet homme de gauche est le plus politisé. Il récuse par là toute possibilité d'échapper au politique, il fait donc du politique une valeur dernière, religieuse. Cet homme de gauche ne croit pas à la religion : il l’a en effet remplacé par la politique, il y apporte la même ferveur, la même intransigeance, le même souci de la défense de l'Église et des dogmes (c’est-à-dire le parti et la doctrine). L’homme de gauche est un croyant, et c'est pourquoi il apporte aussi dans le combat politique une dureté, une vigueur que ne peut y apporter celui pour qui la politique a une valeur toute relative, ne débouche sûrement pas sur des lendemains qui chantent, et se qualifie comme une activité parmi d’autres. »
C’est pourquoi l’essence du travail de bénédictin de Philippe Corcuff à la construction de son Index des penseurs pernicieux consiste à dresser la liste de tous ceux qui dérogent à ce catéchisme décrit par Kevin Boucaud-Victoire. D'ailleurs le professeur à l'Institut d'études politiques de Lyon le décrit à l’envi en introduction et comme postulat de tout son travail. Les mots « problématique » ou « inquiétant » qu’il emploie pour dénoncer toute hérésie est symptomatique. Untel a ainsi une idée « problématique », « inquiétante » – c’est-à-dire une possibilité de « dérive droitiste » selon la terminologie stalinienne – équivaut à un dérapage hors du champ dans lequel il est permis de penser, donc à un avertissement avant condamnation. Le champ de la pensée dialectique sera donc particulièrement étroit suivant ce tropisme, surtout que l’épuration permanente qui constitue la matrice de cette tournure d’esprit conduira à sa réduction et son épuration sans fin. Ce que l'on observe parfaitement dans sa liste où à peu près toute la gauche est déjà « déviante ».
Cela permet de saisir son fonctionnement, d’autant plus que l'universitaire ne cesse de revendiquer la complexité, mais pour mieux nous enfermer dans ses simplismes. Un seul exemple : Philippe Corcuff défend le voile islamique pourtant dénoncé par nombre de musulmans comme un signe d’extrémisme religieux caractérisant la volonté de soumettre les femmes. Mais notre sociologue se dresse alors en renvoyant aux refus des simplismes car, comme les chasseurs, il y aurait un bon et un mauvais voile. Il est sidérant d’observer comment on peut, d’un côté être un anti-clérical borné, et de l’autre se transformer en meilleur allié de l’intégrisme religieux.
De surcroît Philippe Corcuff pense comme un clerc ! La conclusion d’une émission à laquelle il a participé dernièrement, et à nouveau, sur la chaine poutinienne RT est particulièrement cocasse venant d’un adhérant de la Fédération anarchiste : « Une dernière phrase Philippe Corcuff » demande l’animateur. « Il y a une responsabilité du monde universitaire, répond le filou, à ce que le débat public et intellectuel soit alimenté aussi par les méthodes du travail universitaire, des sciences sociales, de la philosophie, de ce patient travail intellectuel artisanal et qui est en rupture disons avec cette forme relâchée d’essayisme qui domine de plus en plus ce qu’on appelle le débat idéologique. » Fin. En clair : si t’es pas prof à Science-po, ferme ta gueule, les sachants et le savants pensent pour toi, si éloignés de ce si vulgaire « débat idéologique » que ces docteurs observent, affligés, de si haut.

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Post-scriptum du 1er avril 2021 : Bravo à Philippe Corcuff qui obtient une nouvelle « Laisse d’or » ce premier avril 2021. Il doit avoir la queue toute frétillante de plastronner dans le très anticapitaliste journal des affairistes Messieurs Ledoux et Drahi. Les bons maîtres savent récompenser ceux qui protègent le château contre les attaques. Sacré Filou, c’est vraiment, non pas la cour de récré, mais plutôt un sexagénaire éternel ado jusque dans sa dégaine dégingandé. Il n’est jamais trop tard pour s’« émanciper » (mot dont il a plein la bouche) de Big mama l’État !

 

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Post-scriptum du 29 mars 2021 : J'ai trouvé très bonne cette réponse de Kevin Boucaud-Victoire

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par Vincent Cheynet, le 23 mars 2021

J’ai hésité à répondre à Philippe Corcuff, par flemme, mais aussi car cela me semble de bien peu d’importance dans notre contexte. Comme le service presse n’a pas osé nous l'envoyer, ou que son affranchissement coûte trop cher, je viens d’acheter son livre (26 euros). J’avoue que je n’ai pas le courage de me farcir sérieusement cet énorme pavé de 672 pages écrit petit. D’ailleurs qui le lira ? En tous cas surement pas les journalistes qui l’ont interviewé ! À la rigueur les pauvres étudiants de l’enseignant.
J’ai néanmoins envoyé le courriel ci-dessous à France culture le 11 mars après que j’ai entendu l’universitaire me nommer pour la première fois suite à la sortie de son livre :

Bonjour,
Contrairement aux contre-vérités professées par votre invité à l'antenne ce matin en quelques instants à mon encontre, je n'ai jamais « commencé ma carrière derrière Giscard d’Estaing » 
C'est grotesque. 
J'ai été à 19 ans un an membre des JDS (Jeune démocrate sociaux - jeunes centristes du CDS). 
Quant à affirmer que je serais « très hostile (…) à la reconnaissance de droits pour les femmes » c’est de la diffamation. Citez une seule phrase de ma part en ce sens ; bien au contraire je me suis toujours battu pour l'égalité homme-femme.
Plus généralement votre invité-inquisiteur confond « grande confusion » et mon refus de penser dans des cases et des clans. Une attitude que je tente de conserver des grands précurseurs de la décroissance.
Salutations
Vincent Cheynet

Bien entendu, je n’ai reçu aucune réponse de Guillaume Erner, l’animateur de  l’émission « L'Invité(e) des Matins » à qui j’avais adressé ce courriel. Mais je connais leurs méthodes et n’en attendais pas davantage. C’était pour me soulager.
Le lendemain Philippe Corcuff continuait à « accroitre mon capital symbolique », cette fois sur France Inter.
À mon souvenir, je ne l’ai rencontré qu’une seule fois ; c’était en 2002 à la soirée des 10 ans de Charlie Hebdo. Il y cornaquait alors Olivier Besancenot pour le Nouveau parti anticapitaliste. Un ami, lui aussi cible de l’universitaire, me le définissait comme « plus bête que méchant. » Je n’y crois plus. Je pense désormais que Philippe Corcuff est flic, un flic de la pensée bien sûr.
Philippe Corcuff traine « cette tendance assurément touchante qui a toujours été la [s]ienne à vouloir que [s]on nom soit imprimé partout en lettres de feu » (Jean-Claude Michéa), sa réputation liée à sa propension d'inonder internet des relevés de ses interventions médiatiques était amusante. Cela lui a valu le surnom affectif de « spam chauve » par le regretté journal critique des médias PLPL. Construit sous la forme d’un véritable annuaire, on peut déduire que son pensum a pour objectif de tendre le piège dans lequel je suis en train de tomber en écrivant ses lignes : que chacune des nombreuses personnalités citées, plus ou moins connues (j’appartiens à cette dernière catégorie), lui réponde, le plaçant ainsi au centre de la lumière. Mais ainsi, du vice narcissique, il débouche sur un travail de police, ce qui n’est pas original. Philippe Corcuff dresse une véritable liste des mal-pensants au service de la police de la pensée. La faiblesse de ses analyses est telle que, loin de nourrir le débat, l’ensemble finit par ne plus ressembler qu’au travail d’un fonctionnaire destiné à purger. Le format annuaire de son livre est de plus une arme pour une police qui était privée de ce précieux auxiliaire depuis leur disparition.
Notons tout d’abord que Philippe Corcuff incarne l'acmé de ce qu’il dénonce : la grande confusion. Avec tant d’autres, « il est ce qu’il dénonce ». Jusqu’au comique.
D’abord d’où il parle : Philippe Corcuff est un notable d’État : enseignant-chercheur à Science-Po Lyon, soit un statut sécurisé doublé de revenus qui le classent dans les CSP+, triplé d’horaires de travail extrêmement privilégiés qui lui laissent un temps libre considérable pour se livrer à ses passions et loisirs (comme le visionnage des séries TV US dont il raffole et qui nourrissent ses analyses). L’ensemble le classe dans les grands « gagnants » de la société dont il se présente comme un contestataire.
Mais Philippe Corcuff est « en même temps » adhérant de la Fédération anarchiste, mouvement dont la doctrine repose sur la destruction de l’État.
Cherchez l’erreur.
Ensuite Philipe Corcuff s’exprime au travers un charabia pseudo complexe destiné à bluffer le gogo qui fait de son discours une véritable purge, d’autant plus que son élocution très faible le rend très dur à suivre. Le fond confus démultiplié par l’élocution vaseuse produit un Gloubi-boulga qui doit être particulièrement pénible et soporifique pour ses étudiants de Sciences-Po. C’est dans un brouillard de barbarismes que notre extralucide prétend « dévoiler nos impensés ». Diable ! Car c’est bien connu, l’ennemi est nativement traître, gouverné par un inconscient dont il est dupe mais qu’heureusement notre universitaire sociologue d'État, affranchi de sa subjectivité grâce à l'outil scientifique de la « critique rationnelle », lui, voit ! Notre fonctionnaire rédige donc des fiches de police pour dévoiler où, inconsciemment et malgré tous leurs efforts, l’habitus de ses sujets d’études les ramènera inexorablement.
Lorsque l’universitaire dénonce des mouvements qui s’auto-construisent dans la société, semblable à des « orchestres sans chef », il devrait commencer par se demander pourquoi son ouvrage, qu’aucun journaliste n’aura lu et a fortiori compris, est accueilli avec une telle bienveillance sur les radios d’État et plus généralement les grands médias. Parce que, bien sûr, eux et lui « font système ».
« Le concept de “droitisation de la société” constitue l’exemple même de ces constructions journalistiques dont raffole l’intelligentsia de gauche » explique Jean-Claude Michéa. Je renvoie ici à ses analyses sur cette rhétorique. « Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées » est le sous-titre du pensum de Philippe Corcuff. Pour ne prendre qu’un seul exemple, une large partie des grandes villes françaises n’ont-elles pas été remportées lors de ces dernières élections municipales par EELV, parti emblématique de l’extrême droite ? (Message aux imbéciles : c’est de l’ironie). Il va aussi de soi que, de ce point de vu : « Qui dit : "ni droite ni gauche" est de droite donc d’extrême droite car la frontière entre la droite et l’extrême droite est bien entendu un leurre. » Philippe Corcuff est un religieux, athée, qui s’ignore. La Gauche est pour lui une transcendance, le Bien, combattant le Mal, la Droite. Quand les droitards sont dans la croyance inverse. Hors de ce clivage, Philippe Corcuff est comme une âme qui erre dans les limbes.
Cet empressement de la gauche corcuffienne à qualifier de « droitistes » et d’« homophobes » tous les résistants à la techno-marchandisation de la reproduction révèle bien la grande confusion qui y règne. C’est ainsi que l’universitaire me renvoie sur Radio Propagande d’État, France inter, au nouveau Point Godwin : la Manif pour tous. Horreur, malheur.
D’abord je refuse les qualifications de « phobie » de toutes sortes (technophobe, etc). Une phobie est catégorie psychique renvoyant à une maladie mentale. Dans le cadre d’un débat légitime, son utilisation ne fait qu’exprimer la tentation totalitaire de son utilisateur à interner son contradicteur dans un asile psychiatrique. Ceux qui voudront connaître mon point de vue sur ce sujet pourront le lire, par exemple, sur le site de la revue Limite. Bien entendu, Philippe Corcuff voit dans cette contribution une des preuves de la « grande confusion ». Étonnamment, lorsqu'il donne des interviews pour la chaine pro-russe RT ou s’exprime longuement sur la chaine droitarde Sud-Radio, cela lui semble alors parfaitement légitime. C’est pourtant sur la base de tels amalgames qu’il se fonde dans ses analyses. Soyons clair, je ne lui reproche absolument pas de s’exprimer sur ces canaux, bien au contraire ; je défends la controverse des idées comme la condition même du débat et de la liberté. Ce que j’observe est qu’il se livre, sans doute par incapacité à contrôler son égo, à pratiquer exactement ce qu’il dénonce.
Philippe Corcuff constitue plus largement une sorte d’achèvement de l’expression de « la grande confusion » de cette gauche qui la conduit à se muer en garde rouge et idiote-utile du capital. Un seul exemple concernant l’humour, qui n’est pas anecdotique : depuis deux décennies, et même après une disparition qu'il a tant souhaitée des écrans de télévision, Philippe Corcuff pourfend sans relâche la figure, personnification du capitalisme libéral globalisé, de Mister Sylvestre de la World Compagny. Malgré sa popularité, c’est cette figure et les Guignols de l’info que Monsieur Bolloré propriétaire de la chaîne Canal + a fini par faire tomber. Cette « grande confusion »-là devrait l’interroger. En revanche, le même Philippe Corcuff ne voit aucun problème dans les personnages des gens simples affublés de toutes les tares de la bêtise ou du racisme moqués par la bourgeoisie intellectuelle parisienne : les Deschiens, les Tuche, les Bodins, le Beauf de Cabu, Dupont Lajoie...
C’est tout autant le même « confusionnisme » auquel se livre notre universitaire quand il défend le voile islamique au nom de la complexité et de la lutte contre l’« islamophobie » tout en se prétendant le meilleur militant du féministe. C'est sans doute ce qui me vaut cette accusation d'être « très hostile (…) à la reconnaissance de droits pour les femmes »... à être asservies par l'intégrisme religieux ?
Une dernière chose, mais c’est celle qui me motive à écrire ces lignes. J’ai 54 ans et l’instrumentalisation des victimes des drames à des fins partisanes m’est de plus en plus insupportable, et notamment des victimes juives de la Seconde Guerre Mondiale. Renvoyer immédiatement à l’antisémitisme la critique du capitalisme quand une personne nomme le propriétaire d’une banque ou d’un média au nom juif est un procédé insupportable.